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Mal-être et créativité à l’adolescence

Gaëlle, infirmière scolaire, Perpignan.

« J’ai noté dans ma pratique d’infirmière scolaire depuis 15 ans que les jeunes qui n’étaient pas bien à l’adolescence avaient la fibre artistique, et je m’interroge tout le temps à savoir si c’est parce qu’ils sont déjà différents qu’ils développent cette fibre artistique. Est-ce que c’est cette différence qui les rend malheureux ? 

 Est-ce que quelque part créativité et souffrance sont liées ? »

Oui il me semble aussi que les personnes qui développent une œuvre ou un langage artistique ont quelque chose de différent. Oui, j’observe aussi qu’il y a à la source de leur créativité, comme une nécessité.

Ce que je comprends comme « la fibre artistique » est d’une part la disposition d’une personne à connaître et percevoir son monde intérieur. 

J’entends par-là ses émotions, ses processus psychologiques, la conscience des interactions entre leur réalité intérieure, et la réalité extérieure.

Et d’autre part, c’est aussi la capacité de donner forme à ce monde intérieur, de le projeter à l’extérieur d’eux-mêmes en élaborant un langage propre à leur univers. Arts plastiques, chants, danse, littérature, photographie.

Tant de modes d’expression du soi, de son univers intérieur qui se projette dans la forme, dans le monde.

Avec plus ou moins de beauté, de grâce, d’harmonie, ou bien, de provocation voir de rage. Selon le besoin et la quête intérieurs de chacun.

Ce que tu observes chez ces adolescents qui ont « la fibre artistique » relève, me semble-t-il, de la nécessité d’exprimer sa réalité intérieure, de la projeter.

Parce que les adolescents ont particulièrement besoin de se connaître eux-même et d’être reconnu dans leur identité encore floue.

C’est également une manière d’extérioriser leur mal-être, les conflits intérieurs qu’ils traversent sans pouvoir y mettre un sens. Sans pourvoir la dire, ou sans oser la dire.

Le langage artistique est selon moi celui de l’âme, de cette dimension de nous au-delà de la sphère psychique et émotionnelle. Un langage non mental. L’artiste est peut-être celui capable d’écouter cette voix qui cherche à s’exprimer. Qui a la nécessité de s’exprimer. Et de la faire entendre.

Et peut-être que l’intensité de cette nécessité fait que certains langages artistiques sont plus poignants, plus originaux, plus talentueux. Peut-être que l’âme qui souffre a un plus grand besoin de se manifester et se purger. Peut-être que ce besoin vital d’exprimer ce qui ne peut être dit ni même perçu pousse à un certain perfectionnent et à une certaine exigence. Et au besoin d’être reconnu.

Peut-être que les ados qui vont bien, ceux qui auraient également des dispositions artistiques, n’ont peut-être pas la nécessité de s’y dédier, de le partager. Ils ont d’autres chats à fouetter ! l’adolescence !

Je dirai donc pour conclure, qu’il ne suffit pas de souffrir pour développer une fibre artistique, mais plutôt qu’une âme qui souffre trouve dans l’art un moyen de s’extérioriser et d’entrer en relation avec le monde.

Avec certes plus d’intensité et de profondeur.

 

J’ai moi-même totalement arrêté d’écrire depuis que j’ai cessé de souffrir. Ma joie est, et je n’ai plus besoin de mot. Ma joie est, et elle rayonne d’elle-même. Mon âme est en paix, et cette paix est aussi silence.

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