Je vivais alors dans un joli village en altitude, « dans un écrin de verdure », comme on écrit dans les annonces immobilières. Un village du sud de la France, ensoleillé, bordé de forets, de prairies, de rivières. La qualité de vie y est exceptionnelle. J’y ai passé le confinement du COVID à sillonner les bois, abandonnée aux senteurs des pins et des plantes aromatiques, à ce que l’homme appelle le silence mais qui est au final un concert de pépiements mosaïque, de branches qui craquent, de pommes de pin qui dégringolent.
Je revenais d’une longue balade (ce que certains appellent étrangement à présent un « bain sylvestre » lol !) quand j’entamai une discussion avec mon voisin, un Parisien ayant fait récemment son « pas de côté » (autre expression nouvelle pour moi). Ce cher voisin qui me tenais un peu à la page de la culture urbaine, enrichissant mon vocabulaire de toutes sortes de nouvelles expressions étranges (comme celle que j’ai d’ailleurs déjà oubliée qui désigne « se gaver de séries sur Netflix tout le week-end »).
Il m’initia ce jour-là à l’éco-anxiété. Il parlait sa peur, de son angoisse envahissante face à la « crise environnementale ».
Un sentiment d’impuissance. Lui, ridicule infinitésimale quantité de chair et d’esprit dans ce monde en plein bouleversement. En plein chaos. Une vraie épidémie d’après lui… J’accueillais cette découverte alors avec scepticisme et sourire en coin… ils ne savent plus quoi inventer ces Parisiens!
Puis cette conversation me plongea peu à peu dans une certaine perplexité. Je fis quelques recherches sur Google. Mon esprit ravi de ce nouvel os à ronger me pilota à nouveau vers mes chaussures de marche et m’entraîna sans résistance vers mes sentiers familiers.
Je marchais donc, ou plutôt je grimpais en contemplant ce nouveau phénomène : l’éco-anxiété. Moi, une psy, je n’avais jamais entendu ce terme qui apparemment recouvre un phénomène mondial. Incroyable ! Mais dans quelle réalité je vis? 🙂
Premier constat, pas d’éco-anxieux parmi mes patients, pas d’éco-anxieux non plus parmi mes relations sociales. Tous vivent dans ma zone géographique ou dans des zones plutôt rurales en France ou à l’étranger. Ces personnes se préoccupent, se questionnent, mais de façon tout à fait mesurée, pas d’angoisse galopante, enfin si, mais pas à ce sujet. Parce que question anxiété, on peut dire que j’ai matière à observer. Certaines personnes que j’accompagne souffrent même de troubles anxieux assez envahissants, mais aucun ne fixent cela sur ces questions environnementales.
Etre anxieux ne suffit donc pas à devenir éco-anxieux.
J’observai aussi que nous avons tous en commun, patients, connaissances et amis, une relation plutôt étroite avec la nature, ou tout du moins une certaine proximité de long terme, et a contrario, une relation plutôt raisonnée voir méfiante vis à vis des réseaux sociaux et des « courants d’informations ». Et aussi, si je peux me permettre, chez certains une culture du discernement.
Une relation organique, tangible avec la nature serait-elle contre-poids à un « discours » sur la nature ?
Poids très lourd dans la balance : la relation à l’information. L’amplification du mental, la dissonance cognitive due à des discours toujours divergants, angoissants, menaçants. Il me faudra approfondir tout cela.
Hummm !j’avais conscience alors de ne faire qu’effleurer le sujet pourtant je tenais là quelque chose d’important. Un nouveau territoire à explorer! 🙂
J’étais alors dans la foret et je m’assis au pied d’un arbre. Je contemplai cette débauche de feuille, d’écorces, de verts, jaunes, vrombissement, pépiements, d’origan, de raies de lumière… abondance de vie, pérennité.
Il y avait au sein de la foret, au contact de la roche de la montagne un continum de vie, d’énergie qui inhibait en moi tout forme d’inquiétude. J’observais en moi la Vie et la Terre qui me soutiennent au quotidien, leurs cycles qui alternent depuis des millions d’années, imperturbables mouvements cosmiques et telluriques, à la face de l’Homme inquiet.
Oui les être humains peuvent provoquer leurs propre extinction par bêtise et avidité mais la Vie elle-même obéit à des lois et des cycles bien plus grands et puissants que nous. À une intelligence bien supérieure.
Rendez-vous compte que les spirales en fractales du chou romanesco se développent selon la suite de Fibonacci, le nombre d’or !!! Tout comme la pomme de pin, l’ananas…
J’ai vécu en Amérique du Sud, et il y a là-bas cette foi chevillée au corps, cette confiance organique que la Terre est un mère bienveillante qui prend soin de ses enfants. La vérité est que sans adhérer à une croyance ou à un mythe, c’est bien cela que l’on ressent lorsque l’on se dépose au pied d’un arbre, bien lové au coeur d’un foret. La confiance.
Je vous partagerai ce voyage en ces terres nébuleuses de l’éco-anxiété. Mon expérience de thérapeute et de pédagogue et d’éducatrice, et d’exploratrice des réalités intérieures m’a appris que rien ne résiste à la conscience. Il suffit parfois et souvent de permettre à la conscience d’observer un phénomène pour que celui-ci trouve ainsi sa résolution, une issue plus salutaire. Relevons-nous les manches alors, nous allons muscler ensemble notre conscience.
Le suite dans le prochaine épisode.
Remède n°1 :
Pour l’heure je vous suggère chaleureusement de programmer un week-end en Ardèche, dans la foret de Païolive, une des dernières forets primaires de France (n’importe quelle foret un peu dense et sauvage fera l’affaire).
Et non pas de payer hors de prix un guide pour vous immerger dans un « bain sylvestre » (excusez ma moquerie mais ça me fait rire j’y peux rien!!!), mais de chausser de bonnes chaussures confortables et de suivre un sentier par vos propres moyens. Les sentiers sont généralement très bien balisés et il y a très peu de risque de se perdre si on de s’en éloigne pas trop.
Éteignez votre portable. Respirez, marchez, grimpez, regarder, sentez, écouter, émerveillez-vous. Vous n’avez pas besoin d’un guide, on sait tous respirer, écouter, sentir. Un tiers qui vous dirait quoi faire ne ferait qu’interférer avec votre expérience, et la conditionner. Comme on n’apprend pas à un bébé à téter en sortant du ventre de sa mère, il se débrouille généralement très bien. C’est son droit et son héritage. Comme le contact amoureux avec la nature est le nôtre.
Marcher, le coeur dispo et sans expectative. Juste parce que la foret c’est un peu chez vous. Résultats garantis. C’est le même remède depuis des millénaires.