Du point de vue de mes parents, j’ai été une adolescente « difficile ». De mon point de vue, j’ai eu des parents défaillants. Absents, autoritaires, le système de croyance et la vision du monde qu’ils me proposaient heurtaient mes propres valeurs. Je n’étais pas en « crise d’opposition » mais j’exprimais à l’adolescence un refus virulent de leurs projections, qui devenait possible à cet âge par une plus grande maturité psychologique et intellectuelle.
Le jeune enfant est soumis au cadre de référence dans lequel il grandit. Il peut être rebelle à l’autorité, cela n’empêche pas la discrète infusion de ce cadre de référence, ce dictionnaire de la réalité imposé par la famille, ces messages qui impriment dans son subconscient « le monde est comme ceci, tu es comme cela, ça c’est bien, ça c’est mal… »
Il est juste et bon de transmettre un cadre moral à l’enfant, mais ses opinions, son positionnement par rapport à ce cadre doivent être entendus aussi. Il n’est pas question de trancher qui a raison ou tort, il a juste besoin de s’exprimer sans qu’on le juge, et qu’il y ait un espace pour sa singularité, une reconnaissance son altérité.
Cet enfant devenant ado n’aura pas besoin de rejeter votre représentation du monde car il aura bâti la sienne.
Les parents abusent de leurs supers pouvoir d’avoir toujours raison. Super pouvoir qu’ils ne possèdent que sur leurs enfants d’ailleurs… Le monde se charge de remettre l’ego de parent à sa juste place…
Si on élève un enfant en le libérant de notre besoin qu’il réussissent là où nous avons échoué, qu’il soit plus beau, plus brillant que nous, qu’il réponde à un idéal que nous n’avons pas pu atteindre (projections souvent inconscientes), cet ado sera libre d’aller à la quête de lui-même sans devoir arracher un costume qui n’est pas le sien..
Un enfant ne peut combler un vide, même si l’amour qu’il nous offre inconditionnellement peut donner la sensation du plein. Son émancipation, son altérité qui l’appelle à s’affranchir du lien nourricier à l’adolescence devient alors une menace pour ce vide qu’il comble. On le couve, on l’infantilise, on le retient, on l’agrippe émotionnellement. Que reste-t-il alors comme alternative à l’ado pour exister, pour s’épanouir ? Il doit rompre, il doit refuser plus ou moins violemment, il doit se débattre de cette étreinte invisible. De cette emprise. C’est un besoin viscéral et existentiel.
Il est très délicat de recevoir un adolescent « en crise » en consultation psy car ses parents attendent qu’on le « soigne », qu’on le ramène à la raison, dans le droit chemin. Or c’est bien dans ce cas les parents que j’invite à se questionner, et ils n’aiment pas cela…
La crise de l’adolescence est un besoin de devenir soi-même. Respecter l’altérité et la conscience, l’intelligence et le sens moral de l’enfant en croissance, va permettre à cette quête de soi d’émerger et de s’accomplir comme un continuum qui n’aura besoin ni de rejet, ni de violence, ni de destruction.
L’enfant a besoin que l’on ait confiance en son intelligence. Cette confiance va justement permettre à son intelligence du monde et de la vie de croître en harmonie et en puissance.
La destruction est le symptôme d’un immense besoin d’amour, et l’auto-destruction celui d’un aussi grand manque d’amour de soi. Si tu ne m’aimes pas c’est que je ne vaux rien…. Ainsi ressentent les enfants, et les adultes qu’ils deviennent ensuite.